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Comment réaliser, publier et diffuser un magazine en kiosque

Créer un magazine n’a rien d’impossible, bien au contraire. Les coûts et les risques sont souvent moins élevés qu’on ne le pense. Voici les étapes qui permettent de retracer la création d’une revue, de sa conception à sa parution en kiosque en passant par le montage de sa société. Sachez d’ailleurs que Mélanie a suivi ce petit guide ce qui lui a permis de sortir son magazine bimestriel, familial et régional QLF ainsi que Johanne, Aurélie et et Géraldine qui ont créé et publié Cocottes. Voici d’ailleurs le petit mot qui m’a été adressé, accompagné de deux photos que j’ai prises de la revue :

C’est donc une méthode qui fonctionne, fruit intégral de mon expérience puisque je réalise seul le magazine Icare. L’objectif est ici de vous aider à sortir votre propre revue, à tenter l’aventure. Vous trouverez ci-dessous des adresses, des sites internet. Le plan qui suit se divise en plusieurs parties : la conception, que tout le monde ou presque imagine, suivie de l’impression, de la distribution puis de la vente.

CONCEPTION

– La ligne éditoriale

Avant toute chose, créer un magazine suppose une ligne éditoriale. Elle définit la structure (rubrique), l’approche (angle), le ton (personnalité) et la conduite (éthique). Une fois que vous avez votre idée directrice, que vous savez ce que vous voulez faire et comment vous voulez le faire, vous passez au plan détaillé, c’est à dire au contenu de chaque page. Ce plan s’appelle le chemin de fer. J’ai mis le chemin de fer du dernier numéro d’Icare en pièce jointe ci-dessous. Vous visualiserez immédiatement.

Spec Ops chemin de fer

– La pagination

Votre chemin de fer obéit aux règles d’impression. On distingue les 4 pages de la couverture (1ère, 2ème, 3ème et 4ème de couv) puis l’intérieur à savoir un assemblage de cahiers de 8 ou 16 pages pour l’offset (l’impression numérique n’est utilisée que pour les très petites quantités, elle n’a pas à respecter cette règle). Votre plan détaillé doit respecter ce nombre. C’est à dire qu’en divisant votre cahier intérieur par 8, vous devez obtenir un nombre entier.Le premier numéro d’Icare est par un exemple un 128 + 4 soit 8 cahiers de 16 pages + 4 de couverture. L’édito est souvent la première page du cahier intérieur.

– La rédaction

Si vous faîtes un magazine, il vous faut un certain nombre de rédacteurs. Quelques amis, une équipe. Même seul, vous pouvez y arriver. Si vous souhaitez faire un magazine d’actualité (un news magazine), vous aurez besoin d’une équipe. Si vous choisissez un thématique, vous pourrez faire intervenir un faible nombre d’acteurs ce qui vous permettra de gérer le calendrier et le budget à votre guise. On peut tout à fait sortir un magazine par an ou un magazine tous les deux ans comme je le fais. On ne doit pas être très nombreux à le faire de manière professionnelle mais il existe des milliers de fanzine. Il s’agit simplement d’une autre échelle. Seuls les processus de fabrication et les budgets diffèrent.

– Recevoir des produits.

Que ce soit un news magazine ou un thématique, vous chercherez à recevoir des produits. Vous contacterez donc les attachés de presse (RPs) des sociétés dont le catalogue vous intéresse. En ce qui concerne le jeu vidéo que je connais bien, vous trouverez leurs adresses ici : http://www.afjv.com/annuaire_editeurs.php Lors que certains éditeurs passent par des agences de presse extérieures, ils vous renverront vers leur prestataire. A vous de convaincre les RPs de vous envoyer leurs produits. S’ils refusent ou vous ignorent (les deux cas peuvent arriver), passez par les community manager.

– Obtenir des images

Dans ce domaine, vous avez trois solutions : ° Faire vos propres captures d’écran. ° Demandez des images à l’éditeur (qui fournit généralement artworks et captures), recevoir leurs dossiers de presse ° Vous inscrire sur des sites spécialisés, réservés aux professionnels (il faut en général valider son inscription). Ce sont d’immenses banques, plus ou moins payantes, d’images. J’utilise http://www.gamespress.com/ Je ne sais pas s’il en existe d’autres dédiés au jeu vidéo mais cela s’applique à tous les domaines. Pour ma part, je combine en générale ce que je trouve sur gamespress, ce que les éditeurs m’envoient et ce que je trouve dans les portfolio d’artistes et sur google images en m’assurant que j’ai le droit de les exploiter.

– Gestion des droits.

En ce qui concerne la gestion des droits de propriété intellectuelle – hors des images ou photographies réalisées par vous-même -, il suffit de placer des mentions légales génériques (cf image/bas du sommaire de mon dernier numéro) voire d’y dédier un encadré quelque part lorsque certains éditeurs demandent que soient placées des mentions plus spécifiques. De même, vous avez un droit à la citation qui permet de copier/coller des extraits de livres, d’interviews du moment que vous précisez leur origine et que vous n’excéder pas une certaine limite.

MAQUETTE ET MISE EN FORME

– La maquette

Vous n’avez pas fatalement besoin d’un professionnel pour faire une maquette. En revanche, il vous faut un bon niveau de maîtrise des logiciels (ce qui s’apprend facilement en trois semaines). Quoi qu’il en soit, chaque maquette est soumise à des obligations :

° utiliser un logiciel spécialisé (j’utilise in design / n’utilisez pas photoshop, ce n’est pas fait pour ça et c’est 30 fois plus compliqué).

° convertir toutes les images en 300 DPI avec photosphop (ce qui vous donnera la taille réelle des images pour une qualité optimale).

° créer des fonds perdus pour chaque page (lorsque vous avez des fonds ou des images en bordure de page, ceux-ci doivent égaler ou dépasser de 5 millimètres, c’est une exigence technique). Quelles que soient les caractéristiques exigées par l’imprimeur, vous devrez livrer un fichier PDF qui lui convienne tant sur le plan de de la qualité images (300 DPI) que sur la présence de fonds perdus. Le reste est à votre discrétion.

Évidemment, je vous conseille de faire appel à un professionnel. Pour être franc, Icare est une anomalie. Chaque fois que je parle à des professionnels, ils tombent un peu des nues. Or il faut savoir que j’ai eu de la chance à toutes les étapes (d’ailleurs, les premières maquettes du magazine étaient immondes). C’est un facteur qu’on ne maîtrise pas et qu’il vaut mieux réduire au minimum. Quoiqu’il en soit, le magazine pourrait être plus beau, plus stylisé si je passais par de véritables maquettistes, à l’image des lettres de Konrad réalisées par Matthieu (il fallait être graphiste pour concrétiser l’idée or un bon maquettiste maîtrise aussi ce registre). Mais c’est un budget. En l’état, je ma maquette claire, épurée, proche de mes goûts mais parfois un peu trop simpliste. Cedi dit, celle du numéro Pologne/Afterfall Insanity devrait être beaucoup plus design. Il faut parfois tirer une force de ses faiblesses.

– La gestion des textes.

Les dimensions de votre magazine joue un rôle dans l’espace dont vous disposez (pour info Icare est un 21 x 28,5 centimètres). Et si les articles comporte un certain nombre de caractères, la place qu’ils prennent dépend de la taille de police et du nombre d’images. Votre chemin de fer doit donc évaluer la taille d’un article incluant tous les paramètres. Mais si vos textes prennent trop de place, vous enlèverez des images. Et réciproquement. L’important est de trouver une forme de souplesse, d’ajustement.

FORME JURIDIQUE

Montage de la société, d’une association, autoentrepreneur…

– Forme juridique

Pour éditer un magazine, vous n’avez pas forcément besoin d’une société. Si vous êtes seul, vous pouvez très bien être autoentrepreneur.  Si vous êtes plusieurs, la SARL ou l’association est un bon système.

° Autoentrepreneur. Le systèmes est souple. Votre activité sera considéré comme une activité commerciale puisqu’il s’agit d’un commerce de bien. Votre activité d’éditeur sera plafonnée à 82 800€ de chiffres d’affaire pour une franchise TVA (c’est à dire que vous n’aurez pas à collecter la TVA et pas non plus le droit de vous faire rembourser celle de vos achats). Tout sera donc hors taxe. Au-delà et jusqu’à 170 000 euros, vous aurez à payer et facturer la TVA. Et le cas échéant, vous faire rembourser. Ici, tout est question d’anticipation. Combien de numéros sortirez-vous par an ? Quels seront vos coûts ?

° Une SARL (société à responsabilité limitée) a des coûts fixes. Il y a la comptabilité, l’expert comptabilité, les taxes, les impôts et les cotisations sociales pour le gérant majoritaire. Les impôts dépendent de vos bénéfices. Pas de bénéfices, pas d’impôts. Un comptable coûtera au minimum 1500 euros par an et un expert comptable 1000 environ. Les frais d’entretien à l’année sont donc de 2500 euros. Il faudra ajouter la taxe foncière qui dépend de votre ville (environ 80 euros à Paris, presque 500 à Toulon). Les cotisations sociales se montent à 1500 euros. Si vous optez pour une société de domiciliation, vous pourrez ajouter quelques centaines d’euros. Vous pouvez limiter les coûts en faisant la comptabilité vous-même (ce que je fais) et en vous domiciliant chez vous. Pour l’expertise comptable, il faudra passer par une société. En théorie, ce n’est pas obligatoire mais dans les faits, si.
Pour créer une SARL, vous avez de bons guides : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/reglementation/creation-entreprise/sarl Notez que vous aurez aussi l’obligation de créer un compte en banque pour votre société. Il faudra ajouter les frais mensuels.

Enfin, au moment de votre montage, pensez à solliciter des aides de l’État. Cela représente un montant non négligeable : http://www.pole-emploi.fr/candidat/les-aides-financieres-a-la-creation-d-entreprise-@/article.jspz?id=60775

° L’association peut-être un excellent moyen de début votre activité si vous êtes plusieurs, que vous ne savez pas vraiment quel sera votre modèle. Vous avez des associations à but lucratif où les dirigeants sont évidemment rémunérés. Il y a des conditions mais ce peut-être un excellent moyen de vérifier la viabilité de votre projet ou simplement de le faire pour l’honneur. Dans le papier du Parisien consacré au sujet et en lien un peu plus haut, il est rappelé la règle des 4P qui conditionnent la réalité d’une association :

  • produits : les produits (biens ou services) ne sont pas disponibles auprès d’entreprises lucratives ou le sont de façon non satisfaisante.
  • public : les services ou les biens vendus doivent toucher un public qui ne peut normalement pas obtenir le même service ou bien, par exemple des personnes indigentes, chômeurs, familles monoparentales ou personnes dépendantes ;
  • prix : les prix sont inférieurs à ceux du marché.
  • publicité : l’association n’a pas recours à la publicité.

– LA TVA

A noter l’importance de la TVA. C’est à dire que sur les produits que vous achetez pour réaliser votre magazine, vous pouvez récupérer la TVA. Et sur les produits que vous vendez, vous devrez la reverser à l’état. Pour ma part, je n’ai jamais payé de TVA car les coûts (dans ce domaine bien précis) sont supérieurs aux recettes. En effet, la TVA pour les entreprises de presse est très basse (2,1%). Pour cela, il faudra obtenir un numéro de commission paritaire ou bien placer une mention dans le magazine qui servira de présomption.

En tant qu’autoentrepreneur, vous pouvez choisir d’être soumis ou non à la TVA. C’est donc un autre système, plus souple, adapté aux parutions irrégulières.
http://www.journaldunet.com/management/pratique/creation-d-entreprise/5081/tva-pour-auto-entrepreneur.html

La TVA est en revanche importante dans le cadre de votre budget d’impression. Car imprimer dans l’Union Européenne fait que vous êtes exonérés de TVA. C’est ce qu’on appelle la TVA intracommunautaire. A l’inverse, imprimer en France vous oblige à rajouter à votre budget la TVA de 20% environ. C’est une somme. Dans mon cas, puisque j’imprime en Espagne, il n’y a pas de TVA à reverser. Le différentiel peut-être important si vous calculez le budget au plus bas. Reste que la TVA vous sera remboursée. Le souci, c’est que cette TVA exige d’avoir de la trésorerie. La mienne a disparu avec l’échec du numéro Deus Ex.

IMPRESSION

Vous avez créé votre magazine, monté votre société. Il faut maintenant trouver un imprimeur offset. Il y en a des dizaines de milliers en France et en Europe.

– Personnellement, je suis passé par un très bon courtier, c’est à dire un intermédiaire qui choisit pour vous l’imprimeur le plus adapté à vos besoins/budgets. Je suis le plus petit client de ce courtier qui négocie pour des millions d’euros d’impression. Il m’a toujours trouvé le meilleur rapport qualité/prix et m’a toujours traité avec la plus grande considération. Si vous me le demandez, je vous donnerai ses coordonnées. Il vaut mieux un intermédiaire qui pèse en cas de litige. Quoiqu’il en soit, il m’a conseillé cette entreprise pour imprimer le magazine : http://www.monterreina.com/

L’avantage, c’est que le rapport qualité/prix est excellent. Monterreina est une entreprise réputée qui travaille aussi bien avec des grands groupes qu’avec des micro entreprises. Je suis satisfait d’être leur client. Et je pense que mes lecteurs ne connaissent pas les déboires propres aux impressions de mauvaises qualité, par exemple les pages qui se détachent. Bien sûr, on peut trouver moins cher dans les pays de l’Est mais peut-être pas avec la même qualité ni le même sérieux. A voir.

Néanmoins, Monterreina exige d’être payé en avance. Cette exigence, vous ne la retrouvez pas chez l’essentiel des imprimeurs français qui acceptent d’être payés à 1 voire 3 mois. C’est à dire que vous pouvez attendre de recevoir tout ou partie des recettes du magazine pour les rémunérer. Beaucoup de sociétés font ça (voire ne payent jamais). Je refuse. D’abord parce que si vos recettes sont inférieures, vous êtes endettés. Ensuite parce que l’argent met du temps à être versé par votre distributeur. Il m’a fallu quasiment une année pour avoir le solde de tout compte du numéro Spec Ops. Mais c’est parce que ma parution n’est pas régulière. Si vous êtes réguliers, vous êtes payés plus rapidement. Néanmoins, c’est une chose à savoir (et il faut demander un calendrier de paiement à votre distributeur). Aucun système n’est parfait. C’est justement pour ne pas prendre le risque de l’emprunt que je suis passé par un financement participatif pour le dernier numéro (et que je le ferai pour les prochains): http://fr.ulule.com/icare-magazine/

N’hésitez pas à y chercher un complément de budget. Bien sûr, vous trouverez toujours des gens pour dénigrer le financement participatif. Quoiqu’il en soit, il y a d’autres alternatives: la banque (prêt), le mécénat, des investisseurs. S’agissant d’Icare, j’avais obtenu un prêt )pour pouvoir lancer le numéro GoW.

DISTRIBUTION

Pour la distribution en kiosque, vous avez deux prestataires: les MLP et Presstalis. Je suis au MLP, j’en suis content. J’ai refusé d’aller chez Presstalis en raison de l’ambiance parfaitement malsaine qui la plombe et plombe tout le secteur (et cela fait des décennies). Je pourrai vous donner le numéro de mon chargé de clientèle si vous le souhaitez.
Concernant la parution du magazine, si on se place dans le cadre d’un trimestriel, vous ne serez jamais plus de deux mois en kiosque au début. Il faut avoir sorti deux numéros d’affilé pour pouvoir bénéficier du 3 ème mois. C’est une règle stupide qui dessert les entrants. Depuis le début, le fait de n’avait jamais été 3 mois en kiosque durant 3 mois a été catastrophique. Cela m’ampute d’un quart de mes ventes environ. Si vous pensez pouvoir sortir 4 numéro par an, choisissez le trimestriel, n’hésitez pas. Pour le reste, il n’y a de possibilité de rester plus de 3 mois en kiosque. Et l’inscription au MLP coûte 200 euros.

– Recettes.

Voilà un tableau de prévision de mes recettes (numéro Spec Ops). Votre distributeur vous fera une projection de ce que vous toucherez suivant le nombre de vos ventes.

ICARE MAG 2015

– Réglage.

Pour pouvoir choisir au mieux où vendre votre revue, vous aurez besoin d’un régleur, c’est à dire de quelqu’un qui répartira les quantités par kiosque suivant ce qui s’y vend. Je passe par une personne, elle aussi impeccable. Pour info, il y a environ 26 000 kiosques en France en 2016 (il y en avait 32 000 quand j’ai commencé), Et très précisément, le numéro Spec Ops n’était trouvable que dans 1000 d’entre eux sachant qu’il y avait 4000 exemplaires mis en vente (+500 à l’export). Cela m’a coûté 300 euros HT pour le numéro Spec Ops. 600 pour les deux précédents.

Les MLP ne propose pas de site « trouverlapresse.com ». Seul Presstalis le fait. Vous mettrez alors sur votre site internet l’adresse des points de ventes. C’est ce que j’avais fait sur mon forum.

VIABILITÉ

– C’est peut-être ce qui aurait dû ouvrir cet article. Nul doute que dans une école de commerce, c’est par là que le professeur commencerait. Il aurait raison et tort à la fois. La première chose est qu’il faut être réaliste. La presse va mal. Le papier n’est plus en odeur de sainteté. Le meilleur moyen de s’en rendre compte est de s’intéresser aux points de vente des journaux et magazines. Quand j’ai commencé, il y en avait un peu plus de 30 000. Il en restait un peu moins de 25 000 en 2016. Aujourd’hui, on doit difficilement atteindre les 22 000. Cela signifie que la diffusion de votre magazine touchera fatalement moins d’individus.

– L’étude de marché est nécessaire. Le meilleur moyen reste de connaître les ventes des magazines concurrents ainsi que leur cible. Ces chiffres vous seront donnés par le distributeur. Ils sont parfois affichés dans les magazines mais c’est très rare. Personnellement, je les donne toujours dans l’ « ours ». Au-delà, il faut arriver à jauger ce qui pourrait bien intéresser votre lectorat ou ce qui pourrait le faire entrer dans un kiosque pour acheter votre « produit ».

– Il faut bien prendre en compte que vous pourriez parfaitement vous tromper, perdre toute ou partie de votre mise de départ. Il faut donc être prêt à prendre le risque. La motivation première ne doit pas être l’argent. Mais il est possible d’en gagner. Cela a été mon cas grâce à une communauté soudée. Ceci dit, cela n’a pas été des mille et des cents. Et j’ai connu des difficultés. Du reste, mon lectorat a fondu progressivement. Je suis passé d’environ 8500 ventes (n°1) à 4000 (n°2) puis 1500 (n°3). Pour vous expliquer, je n’ai pas cherché spécifiquement à avoir du succès, j’ai donc choisi un sujet qui m’intéressait plutôt qu’un sujet vendeur. Le premier numéro consacré à God of War touchait une saga très populaire ce qui explique les ventes. Du reste, le premier numéro marche toujours beaucoup mieux, attrait de la nouveauté oblige. Le second numéro traitait de Deus Ex, une saga appréciée d’une frange plus limitée de joueurs. Enfin le troisième était consacré à Spec : Ops The Line, un jeu (et non une saga) plus confidentiel. Mon prochain numéro étant consacré à la Pologne et au jeu Afterfall : Insanity, je ne sais même pas si j’en vendrai plus de 100 exemplaires ni même si je retournerai en kiosque. Pour contre-balancer la diminution de mon lectorat, j’ai augmenté le prix et diminué le tirage ainsi que les coûts. Paradoxalement, j’ai également augmenté la pagination (alors que les revues en difficulté coupe dedans en priorité) et je n’ai jamais touché à la qualité. Je suis passé de 132 pages à 148 puis 188.

– Il faut prendre en compte que ce que je propose à quelque chose d’inédit. En effet, je travaille seul sur le magazine ce qui permet de réduire tous les coûts : j’écrire, je gère, je fais la maquette, la compta. Sans cela, je n’aurais pas pu continuer. Néanmoins, j’ai travaillé avec deux étudiants sur le premier numéro (ils m’ont formé à la maquette) ainsi qu’avec un rédacteur connu du milieu qui a écrit une dizaine de pages (j’espérais que sa notoriété permettrait de vendre davantage d’exemplaires).

– Lors de la sortie du magazine, j’avais établi une théorie que j’avais appelé la théories des puits. En effet, je considérais qu’il y avait des puits de lecteurs différents capables d’être intéresser par mon magazine. Pour revenir sur ce premier numéro, certes, il y avait les fans de God of War mais je misais également sur les aficionados de la mythologie grecque (dossier sur le sujet) ainsi que les amoureux d’Ubisoft (il y avait une interview de 30 pages d’un de leurs artistes, à savoir Xavier Thomas). Et tout ceci était cohérent car le dossier sur la mythologie faisait écho au thème de God of War tandis que l’artiste d’Ubisoft dessinait le héros Kratos en couverture. De même, j’avais opté pour une maquette différente avec une grande place laissée aux illustrations afin de rapprocher le magazine d’un artbook. Du reste, je souhaitais une approche littéraire et imaginative ce qui rendait le magazine plus conceptuel et différent. Dans chaque numéro par exemple, on trouve une longue nouvelle sur le thème du jeu traité (mythologie grecque, transhumanisme, stress post traumatique et illusion). Je pensais donc puiser dans chaque puits un certain nombre de lecteurs. Sauf que j’espérais vendre 10 000 exemplaires en kiosque (sur un tirage de 25 000) et que j’en ai vendu que 5 500 ou 6 000.

– Il ne faut pas hésiter à nouer des partenariats. Je ne crois pas que ce service existe encore mais à l’époque, je n’avais pas ouvert des pages à la publicité mais j’avais noué un partenariat avec deux entreprises qui louaient des jeux vidéo (Gamecash et Okajeux). Elle m’achetait des numéros (500 chacune sur 2 numéros soit 2000 exemplaires) qu’elle donnait ensuite à leurs clients les plus fidèles. En échange, je leur avais fait une réduction (j’avais dû les proposer à 3 euros/Pièce). J’avais eu envie également de les interviewer pour faire connaître ce métier. J’avais donc créer une page partenariat où je m’entretenais avec leur fondateur.

– Le plus important reste d’être fier de ce qu’on fait et de ne pas perdre sa chemise. A la viabilité économique, il faut ajouter une sorte de viabilité psychologique et être prêt à supporter d’échouer. C’est justement parce qu’on est heureux d’avoir entrepris, content d’avoir proposé quelque chose dont on puisse être fier qu’on supporte de s’être trompé ou d’avoir peu vendu (ou moins qu’espéré). Mais il faut essayer de circonscrire les ennuis d’argent, ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Car ceux-là peuvent vous suivre ensuite pendant longtemps et entacher votre plaisir. Bref, rêver n’empêche pas d’être réaliste. Le tout est de concilier les deux, de demander des avis, de limiter les risques.

– J’avais fait un prêt de 15 000 euros à la banque pour sortir mon premier numéro. Il fallait à tout prix que le premier numéro me permette de rembourser.

VENTE

– Si vous identifiez des gens dans la presse qui touche le sujet de votre sujet ou gravitant autour et capables de vous aider, demandez-leur. Beaucoup ne s’y intéresseront pas ou ne vous répondront pas mais certains vous donneront un coup de main. On arrive jamais à rien seul. Le site jeuxvideo.com est l’un des très rares sites professionnels, à ma connaissance, qui relaye les initiatives et ont relayé les miennes (en outre, les rédacteurs sont bien sympas). C’est extrêmement précieux. Il me semble que la solidarité devrait être de mise dans la presse. D’ailleurs, dans la presse pro-amat (par exemple jeuxvideo live), ils sont souvent très cools. Enfin, si vous avez besoin d’aide dans la presse jeu vidéo, n’hésitez pas à me contacter. Mais vous avez de la chance, car en France, même si le secteur va mal, on s’intéresse encore au papier.

– L’affichage.

Si j’arrive à avoir un bon budget pour le numéro Assassin’s Creed, j’essaierai pour la première fois de prendre un affichage à la sortie des kiosque. Je ne sais pas combien ça coûte. J’éditerai ce billet au fur et à mesure.

– Les réseaux sociaux.

Les forums ne servent plus à grand chose. Mais c’est mieux que rien. Les blogs sont passés de mode (quand je pense au nombre de blogueurs qui avaient parlé du numéro God of War, c’était incroyable). Twitter est essentiel. Je cible deux mots clés : presse jv et spec ops. Ce sont les deux seuls que je regarde. J’envoie un lien et un petit message à ceux qui s’en servent. Les retours sont souvent désagréables quand on utilise le tag « presse jv ». Rares sont ceux qui s’y intéressent vraiment (c’est davantage pour cracher dessus). En revanche, le mot clé « spec ops » donne d’excellent résultat. Les gens sont accueillants et vous avez rarement des retours désagréables. Idem pour le mot clé Deus Ex. Facebook est pratique aussi. Eviter de parler politique pour ne pas perdre des lecteurs 😀

– Un site internet.

Il faut absolument un site internet et un paypal pour vendre des magazines en continue. J’ai d’ailleurs réalisé ce site avec wordpress. Vous ferez une partie de vos ventes grâces à votre propre système de distribution : la Poste. Pour ma part, c’est via mon site que je vend le plus. J’en profite pour glisser un grand merci à Matthieu Requenna (qui a réalisé les versions précédent du site) ainsi qu’à Raphaël de Sanqua (qui l’a hébergé pendant longtemps). Attention, les coûts de La Poste ont flambé. Du coup, si vous n’avez pas de numéro de commission paritaire, sachez que vous n’aurez accès à des tarifs préférentiels qu’à partir de 500 envois.

RECETTE

Il est très important que vous preniez en compte le système de fonds propres. Si vous passez par une sortie en kiosque, l’argent mettra du temps à vous parvenir. Votre distributeur mettra plusieurs mois à vous payer et il le fera de manière fractionnée. Il vous faut donc de quoi financer votre impression sur l’année ou adopter une parution lente (1 magazine par an maximum). Ceci dit, votre budget sera abondé par les ventes en direct depuis votre site internet. Il est beaucoup plus intéressant de vendre sans avoir à passer par un intermédiaire car l’argent vous revient non seulement en totalité (moins le pourcentage de paypal et autre) mais aussi immédiatement.

STOCK ET INVENDUS

Je le précise mais le stockage se passe en deux étapes. Par exemple, vous imprimez 5000 exemplaires comme ce fut mon cas (3ème numéro). J’ai demandé à ce que l’imprimeur m’envoie 500 exemplaires ce qui m’a permis d’honorer mes précommandes. Le reste a été livré au distributeur. J’ai stocké ces 500 exemplaires que j’ai expédié en une semaine (tout seul, c’est très long surtout qu’ils étaient tous dédicacés). Ensuite, une fois le délai de vente écoulé, le distributeur vous propose de récupérer un certain nombre d’invendus. J’ai demandé à en récupérer 1000 afin d’assurer les commandes qui interviennent après le délai de vente en kiosque. Vient alors deux questions : la qualité des invendus puis celle du stockage. S’agissant de la qualité, il y a des numéros abîmés, il faut donc en récupérer davantage puis trier. Je recommande aussi l’emballage par film plastique à la récupération ce qui abîme nettement moins les exemplaires que le cerclage (très serrés, les lanières abîment les exemplaires du dessus et du dessous).  Enfin, s’agissant du stockage à proprement parler, soit c’est la débrouille et vous stockez vos invendus là où vous pouvez (j’en ai dans mon bureau, il y en a -beaucoup- chez mes parents), soit vous louez un endroit (un box en général) pour les stocker. Tout dépend du flux. Ensuite, vous jetez quand il n’y a plus de ventes. Vous pouvez tenter aussi de les revendre en gros à des professionnels (brocanteurs et compagnie) pour une bouchée de pain. A voir.

ADAPTATION

Le magazine que je propose reçoit environ 95% d’excellentes critiques. Néanmoins, je vous engage à faire très attention aux avis négatifs. C’est un moyen d’apprendre, de s’adapter, d’évoluer. Mon premier numéro avait 85% de très bons retours, mon deuxième 95% et mon troisième environ 99%. J’ai tendance à dire qu’il faut prendre appuie sur les avis divergents avant tout. Non pas qu’on puisse contenter tout le monde, ce serait vain. Mais justement parce que rien n’est parfait et que l’objectif d’une publication devrait être de proposer le meilleur de vous-même. Il faut aussi avoir quelque chose à dire. Mais rien de tout cela n’a quoi que ce soit à voir avec vos ventes. Certes, l’esprit de la publication compte. Mais la vente doit cerner les centres d’intérêt de votre lectorat ainsi que le traitement auquel il aspire. La presse se casse la gueule partout. Ce n’est pas pour rien. Icare n’a jamais connu de succès parce que j’ai toujours fait fi du marché de la presse. J’ai accepté d’en payer le prix, d’en affronter les difficultés. Mais n’oubliez jamais cela : la presse reste un marché.

Enfin, je suis fier d’avoir nourrir la recherche universitaire puisque le magazine a été cité dans des thèses et dans des mémoires. J’ai eu tort de ne pas noter les différents projets des étudiants qui m’ont contacté (mon mail pro a été entièrement effacé il y a quelques années). Mais voici ceux dont je suis certain :

  • Mémoire sur la presse d’Apolline Henry (devenue journaliste à Top Santé).
  • Mémoire d’histoire de l’art de Guillaume Baychelier.
  • Mémoire en développement et innovation de Remy Létang.
  • Thèse de philosophie de Gérald Sinclair.
  • Thèse d’histoire de l’art de Marie Soitelle.

CONCLUSION

Voilà, vous savez tout ou presque. J’espère que cela vous aura aidé. Comme j’espère que vous serez tenté de créer votre propre magazine. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser sur Facebook. Je vous répondrai et cela me permettra d’affiner ce billet.

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8 commentaires

  1. Bonjour,
    Merci pour votre article très riche en contenu.
    J’ai comme projet de crée un magazine trimestriel ou semestriel sur une thématique bien précise…
    (Je pense commencer à vendre en direct pour commencer sur mon site et les sites de mes partenaires)
    A cet effet, j’ai 2 questions à vous poser:
    1/ Où vont les invendus au bout de 3 mois ? Le kiosque vous les ré-expédie?
    2/ Je suis allée sur le site de votre imprimeur mais aucun tarif n’est indiqué. Pouvez-vous me donner un ordre d’idée sur votre prix d’achat?

    J’ai fait pas mal de recherche, cela va du simple au double …

    Merci par avance
    Très belle journée

  2. FREDERIC BOUCHET a dit :

    Bonjour,
    Merci pour votre article. SI je peux me permettre de vous poser 2 questions :
    – Combien MLP vous reverse sur le prix d’un magazine en kiosque ?
    – Je peux avoir votre contact pour obtenir un devis d’impression ?
    Bonne journée
    Cordialement

    1. Aurélien Beuzard a dit :

      Hello,

      En fait, pour répondre à vos deux questions :

      1) C’est très aléatoire, la reversion des MLPs dépend du pourcentage de magazine vendus. Par exemple, si vous vendez 15% de votre stock, ils vous reverseront 10% du prix de ventes (c’est un ordre de grandeur, j’ai plus les chiffres en tête). Si vous vendez 70%, ils vous reverseront 60% du prix de vente.
      2) Bien sûr, mon facebook est « Icare Aurélien »

  3. Merci pour votre retour d’expérience, c’est vraiment chouette !

    1. Aurélien Beuzard a dit :

      De rien et j’espère que ça aide 😀

  4. Bonjour,

    Tout d’abord, un grand merci pour cet article qui a dû te prendre un temps fou. Un vrai vivier d’information, c’est gé-nial !
    Comme tu indiques que tu veux bien partager le contact de ton courtier, pourrais-tu me le faire parvenir?

    Merci d’avance et excellente fin de journée.

  5. Asnidren a dit :

    Merci pour cet article très riche quand on n’y connait rien!
    Quand tu as eu l’idée de ce projet, comment t’es-tu lancé, organisé? Quelles sont les premières choses à mettre à plat (hormis réfléchir aux rubriques^^)? As-tu une technique à proposer pour monter une étude financière du projet?

    1. Aurélien Beuzard a dit :

      Je te remercie. Alors au début, je me suis rapproché d’un ancien professionnel de la presse jeu vidéo. Mais ça n’a pas fonctionné pour différentes raisons. Finalement, j’ai fait les étapes moi-même et en fait, je me suis rendu compte que c’était finalement assez simple du moment qu’on prenait étape par étape.

      S’agissant d’une étude financière, j’en avais fait une pour obtenir un prêt de 15 000 euros pour convaincre ma banque. Là, pour le coup, c’est en fonction de ta cible, des ventes comparatives des magazines de ton marché, de ta diffusion, de ta capacité à pouvoir vendre à distance (site internet), de tes coûts, de ton prix, du seuil de rentabilité…

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